A Montpellier, la tauromachie manifeste pour défendre ses traditions contre les « écolos bobos »
Des guitares gitanes, des gardians sur leurs chevaux blancs camarguais, des maires ceints de leur écharpe, des Arlésiennes en costume : les mondes de la tauromachie et de « la ruralité » ont défilé en masse samedi 11 février à Montpellier pour défendre leurs traditions contre les « écolos bobos ». De 13 000 à 15 000 personnes, parmi lesquelles de nombreux chasseurs en chasubles orange, se sont réunies au pied du Corum, le palais des congrès, pour répondre à l’appel d’élus de la région, d’éleveurs de taureaux et de membres de clubs taurins qui pratiquent la bouvine, ces jeux tauromachiques du sud-est de la France sans mise à mort.
Qu’ils soient originaires de Camargue ou d’autres territoires du Languedoc et de la Provence, tous dénoncent de récentes atteintes à des coutumes qui non seulement forgent, selon eux, leur identité mais contribuent aussi au développement économique de leur région. « C’est aussi un ascenseur social. Les écoles taurines forment des jeunes, les tirent des quartiers et leur font vivre un nouveau monde, avec des métiers formidables autour du cheval, du taureau, de nos cultures traditionnelles », explique le maire d’Arles (Bouches-du-Rhône), le centriste Patrick de Carolis.
« Ecologie punitive »
Or ils sont « montrés du doigt comme des bourreaux », regrette l’ancien journaliste, entouré de dizaines d’élus de bords différents portant leur écharpe tricolore, dont des députés, sénateurs et maires d’autres villes à tradition tauromachique comme celui de Béziers (Hérault), Robert Ménard (divers droite).
C’est une tribune publiée en janvier dans Le Monde qui a mis le feu aux poudres, d’autant plus que parmi la cinquantaine de signataires figuraient des élus de Montpellier, dont l’initiateur du texte, Eddine Ariztegui (Parti animaliste). Ces personnalités politiques écologistes et ces représentants d’associations animalistes, dont Julien Bayou, l’ex-secrétaire national d’Europe Ecologie-Les Verts, réclament une réglementation des pratiques entourant la bouvine, fustigeant la castration à vif des jeunes taureaux, le marquage au fer rouge ou le lâcher de taureaux dans les rues lors des férias.
« Ces personnes ne sont jamais venues passer une journée avec un gardian. Nous, on a vécu la bouvine et la chasse et on veut que nos enfants et petits-enfants puissent les vivre aussi », explique Sonia Saumeade, 52 ans. Venue en famille, elle ne juge « pas plus cruel » de « sortir les taureaux dans la rue que de vivre dans 50 mètres carrés avec un chien ».
Au micro, Laurent Jaoul, le maire de Saint-Brès, une commune proche de Montpellier, et l’un des organisateurs du rassemblement, dénonce « l’écologie punitive, composé d’élus animalistes et écologistes, qui souhaitent remettre en cause des pans entiers de nos traditions et de nos manières de vivre ».
« La véritable écologie, ce sont les manadiers [gardiens de taureaux élevés en semi-liberté en Camargue], les agriculteurs, les chasseurs, les pêcheurs », a enchaîné le maire de la commune voisine de Baillargues, Jean-Luc Meissonnier, sous les applaudissements. « Nous ne sommes pas des barbares, nous aimons nos animaux, nous les vénérons. Il n’est nullement question que nous soyons stigmatisés par ces bobos de Montpellier », a-t-il ajouté.
Soutien de Carole Delga
Avec sa pancarte « Chasseur depuis 70 ans » fièrement accrochée dans le dos, Joseph Coste, 86 ans, vigneron à Murviel-lès-Montpellier, juge qu’il « faudrait essayer de s’entendre » : « Il y a une prolifération de sangliers : il faut bien qu’il y ait des chasseurs pour les tuer. Mais les écologistes, ils sont bornés sur certaines choses », ajoute-t-il.
Quant à Eddine Ariztegui, il avait jugé dans un communiqué qu’« à l’instar de toutes les grandes avancées sociétales du passé, celle des droits des animaux génère de la contestation. Les générations futures se demanderont comment leurs ancêtres ont pu tolérer de telles pratiques ».
Les défenseurs de la bouvine et de la course camarguaise peuvent compter sur le soutien de la présidente socialiste de la région Occitanie, Carole Delga. Selon Midi libre, elle a écrit fin janvier aux représentants du secteur pour leur « renouveler » son soutien, et confirmer son « engagement » à faire inscrire ces traditions au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco, « qui devient de plus en plus nécessaire ».