Olivier Véran : « La réforme des retraites n’est pas risquée, elle est nécessaire » – France



Sur quels sujets êtes-vous prêt à dialoguer et faire évoluer le texte ?

La Première ministre Élisabeth Borne a elle-même annoncé, dimanche dernier, des améliorations sur l’emploi des seniors, ainsi que sur les carrières longues dont le dispositif sera étendu aux 20-21 ans. L’Assemblée nationale examine le texte actuellement, nous étudierons tout amendement qui propose des avancées sociales sur lesquelles nous sommes ouverts et qui respectent notre objectif d’équilibre.

Quels sont les points négociables sur l’âge légal de départ à 64 ans ?

Nous tenons à l’équilibre de la réforme. Si des députés engagent des dépenses, il faut qu’ils nous expliquent comment ils les financent. Et on ne souhaite pas qu’ils les financent par une baisse des pensions, de la dette ou de l’impôt.

Et sur les carrières longues ? La pénibilité ?

Sur la pénibilité, on porte un dispositif d’une ambition inédite qui se veut simple et massif, avec un fonds de prévention d’un milliards d’euros qui s’appuiera sur la négociation des branches professionnelles pour la mise en place opérationnelle. Si des parlementaires veulent enrichir le contenu, ils le peuvent, c’est leur rôle.

Nous voulons supprimer les régimes spéciaux.

Quels sont les sujets non négociables, par exemple, sur les régimes spéciaux, débattus mercredi et jeudi à l‘Assemblée nationale ? Vous n’y reviendrez pas ?

Non. Nous l’assumons. Nous voulons supprimer les régimes spéciaux. Une majorité en commission à l’Assemblée a voté leur suppression. Toute cette première semaine de débats, la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) et le Rassemblement national (RN) ont bataillé pour permettre à un conducteur de la RATP de partir à 52 ans, mais pas à un conducteur de bus qui n’exerce pas son métier à Paris ! On estime que cela ne fait plus sens aujourd’hui et ce n’est pas juste vis-à-vis de tous ceux qui exercent des métiers similaires. De la même manière, la Nupes défend des centaines d’amendements pour créer autant de nouvelles taxes, de nouveaux impôts et nouvelles baisses de pensions pour les retraités. Ce sera sans nous.

Existe-t-il d’autres points non négociables ?

Tout ce qui conduirait à un déséquilibre du système des retraites. Notre équilibre financier à 2030 doit être maintenu. Sur les 18 milliards d’euros de financement générés par les ajustements des paramètres, six milliards d’euros sont utilisés pour accompagner la réforme et financer les mesures de justice sociale et de progrès, c’est bien plus que lors des précédentes réformes. Nous assumons cela car ce sont des mesures pour protéger les invalides, les personnes en situation de handicap, les aidants, pour tenir compte de la pénibilité ou pour revaloriser les petites pensions.

L’écart des pensions des hommes et des femmes est effectivement injustifié. Il est, en fait, le reflet de l’écart de rémunérations connu pendant leur vie professionnelle. Nous devons continuer justement de travailler pour atteindre l’égalité salariale.

Que répondez-vous aux syndicats qui considèrent cette réforme « injuste » à l‘égard des femmes ?

Je leur réponds que les femmes partiront deux mois plus tôt que les hommes et que près de deux tiers des bénéficiaires de la retraite minimale qui sera revalorisée sont des femmes. Elles auront aussi une hausse de pension plus importante que les hommes et les dispositifs visant à protéger les carrières hachées les protégeront davantage. L’écart des pensions des hommes et des femmes est effectivement injustifié. Il est, en fait, le reflet de l’écart de rémunérations connu pendant leur vie professionnelle. Nous devons continuer justement de travailler pour atteindre l’égalité salariale.

Beaucoup d‘économistes considèrent que le vrai problème à leurs yeux ne porte pas sur l’âge de départ réel à la retraite mais sur le taux d’emploi des seniors…

Lorsque l’on regarde les statistiques, on constate que le taux emploi des seniors est plus faible en France que chez nos voisins. C’est pour cette raison que l’on souhaite y remédier. Et lorsque l’on décale de deux ans l’âge de départ légal à la retraite, on améliore mécaniquement l’employabilité des seniors. On l’a constaté dans les réformes précédentes. Par ailleurs, la Première ministre a annoncé, dimanche dernier, son intention de renchérir le coût de la rupture conventionnelle. Les prélèvements sociaux passeraient à 30 %, comme pour l’indemnité de départ en retraite. Il ne doit plus y avoir d’incitations à se séparer des seniors. Au contraire !

Si une entreprise ne rend pas compte du taux d’emploi des seniors, elle sera passible d’une amende qui peut atteindre 1 % de la masse salariale.

Les entreprises qui n‘emploient pas les seniors seront-elles sanctionnées dans la nouvelle réforme ?

Si une entreprise ne rend pas compte du taux d’emploi des seniors, elle sera passible d’une amende qui peut atteindre 1 % de la masse salariale. Nous sommes attentifs aux propositions des députés s’ils veulent aller plus loin, notamment pour les entreprises dont la situation ne progresserait pas suffisamment…

Qui va réellement bénéficier de la retraite minimum à 1 200 euros ?

1,8 million de retraités actuels bénéficieront d’une hausse de leur retraite normale et ce sont 200 000 nouveaux retraités chaque année – un sur quatre – qui verront leur retraite revalorisée grâce à cette mesure. Notre dispositif est inédit : un objectif de 1 200 euros pour une carrière complète au Smic, et une hausse sensible de pension jusqu’à 100 euros, même pour ceux qui n’ont pas eu une carrière complète ou ont travaillé à temps partiel.

Comment la majorité encaisse les chocs reçus depuis le début de la semaine à l‘Assemblée nationale ?

Lundi, une majorité absolue de députés (292) parmi lesquels de nombreux LR ont voté contre la motion de rejet. Une cinquantaine de voix d’écart, c’est beaucoup et c’est encourageant pour la suite.

Est-ce le « chaos » qui a resserré les liens ?

C’est surtout la conviction partagée qu’une réforme est nécessaire.

Êtes-vous certain d’obtenir les voix nécessaires chez LR pour faire voter le texte ?

Les LR ont été entendus sur de nombreux points de la réforme. Nous espérons qu’en responsabilité, ils voteront.

L’article 7 sur les 64 ans sera-t-il débattu au Palais Bourbon ?

Tout dépend de la volonté de la Nupes. Soit elle décide de retirer des milliers d’amendements, considérant que l’obstruction ne sert pas au débat, et on pourra alors aller jusqu’à l’article 7. Soit la Nupes maintient ses 18 000 amendements et, au rythme de 100 amendements examinés par jour, il faudrait plus de six mois de débat en continu sans pause pour arriver au terme du texte ! C’est la Nupes qui empêche d’aller au vote et qui empêche l’Assemblée de vraiment examiner cette réforme.

Le président du Sénat Gérard Larcher est assez « confiant » sur la capacité de la réforme à passer…

Les sénateurs votent la réforme que nous portons. C’est un mécanisme qui est soutenu par la majorité sénatoriale LR année après année.

Nous avons décidé d’assumer cette réforme et ce que nous demandons aux Français. Certains peuvent considérer cet angle comme une erreur, moi je trouve que c’est un discours de vérité.

La candidate à la présidentielle Marine Le Pen déclare qu’elle annulerait cette réforme si jamais elle était votée…

Marine Le Pen ment. Durant sa dernière campagne présidentielle, les instituts indépendants ont évalué le coût de sa réforme à 26 milliards d’euros par an auxquels il faut rajouter à terme 20 milliards d’euros de déficit que nous comblons avec notre réforme. Si Marine Le Pen l’annule, il ne sera plus comblé, cela coûtera aux Français 50 milliards d’euros, c’est-à-dire la moitié des impôts sur le revenu prélevés chaque année. Revenir sur cette réforme, c’est forcément augmenter les impôts des Français de 50 % ! Et aucun gouvernant dans l’histoire n’est revenu sur une réforme des retraites.

Avez-vous fait des erreurs de communication ?

Nous avons décidé d’assumer cette réforme. Certains peuvent considérer cet angle comme une erreur, moi, je trouve que c’est un discours de vérité. Si on ne faisait pas de réforme, l’État devrait mettre 20 milliards d’euros par an pour rééquilibrer le système. Et une accélération du calendrier de la réforme Touraine permettant l’allongement de la durée de cotisation pour l’obtention d’une retraite à taux plein ne suffisait pas pour être à l’équilibre financièrement.

J’entends la demande des Français dans les territoires ruraux ou en métropole qui vivent très mal les transports en commun pour se rendre à leur boulot. Ce sont toutes des questions fondamentales.

Depuis quand n’avez-vous plus discuté avec les syndicats. Le dialogue est-il rompu ?

Il y a une semaine, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, était dans mon bureau… Nous avons discuté plus d’une heure sur l’organisation du travail. Au-delà de la question de la durée du travail, on doit traiter la manière dont on développe le télétravail et on aménage le temps de travail avec des expérimentations déjà en cours, comme l’organisation de la semaine de travail de quatre jours ou encore la territorialisation du travail. J’entends la demande des Français dans les territoires ruraux ou en métropole qui vivent très mal les transports en commun pour se rendre à leur boulot. Ce sont toutes des questions fondamentales.

Les manifestations se sont très bien déroulées. Les services d’ordre des syndicats connaissent bien leur travail. C’est un gage de vitalité de notre démocratie que les gens manifestent.

Craignez-vous un durcissement de la mobilisation ce samedi ?

Les manifestations se sont très bien déroulées. Les services d’ordre des syndicats connaissent bien leur travail. C’est un gage de vitalité de notre démocratie que les gens manifestent. Et lorsqu’elle est vivante dans le calme et dans le respect mutuel, c’est positif. Ce que nous refusons, c’est le blocage des Français.

N‘est-ce pas risqué de présenter deux réformes hautement « sensibles » en même temps : les retraites et la loi immigration et intégration ?

La réforme des retraites n’est pas risquée, elle est nécessaire. Pour moi, la réforme immigration et intégration n’est pas sensible dans la mesure où chaque article devrait faire l’objet d’un large consensus. En renforçant l’intégration par la langue et le travail, en renforçant aussi la possibilité d’expulser les auteurs de graves infractions et en réduisant considérablement les délais d’examen des demandes d’asile, notre projet de loi répond avec pragmatisme aux défis migratoires d’aujourd’hui.

Enfin, avez-vous prévu d’engager une troisième loi de Décentralisation ?

Le chef de l’État souhaite initier une « commission transpartisane » pour rénover nos institutions. Il aura l’occasion de l’annoncer. Il n’y a pas de raison de priver les gens de ce débat.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *