En Thaïlande, des grèves de la faim pour protester contre le crime de lèse-majesté
Tantawan Tuatulanon et Orawan Phuphong, deux militantes thaïlandaises antimonarchistes de 21 et 23 ans, n’ont pas froid aux yeux. Désignées, comme la plupart des Thaïlandais, par leur surnom, « Tawan » et « Bam » sont en grève de la faim depuis le 18 janvier. Hospitalisées le 24 janvier dans un hôpital civil de la banlieue de Bangkok, elles ont accepté de recevoir ces derniers jours des sels minéraux et de l’eau mais ont fait dire à leur avocat, mercredi 8 février, qu’elles reprendraient d’ici trois jours un régime sec, sans eau ni bien sûr aliment, si leurs demandes n’étaient pas satisfaites.
Celles-ci sont au nombre de trois : un engagement des partis politiques à amender ou abolir la très stricte loi de lèse-majesté, en vertu de laquelle elles ont toutes deux été inculpées l’an dernier ; la libération sous caution d’une dizaine de militants pro démocratie en attente de procès pour divers crimes dits « politiques » (sédition, lèse-majesté ou délit « informatique »), mais à qui les juges refusent obstinément la liberté conditionnelle comme le prévoit la loi ; et enfin, rien moins que l’instauration d’une justice « véritablement indépendante ».
« Sauver la vie des deux militantes »
Ces revendications mettent dans l’embarras le gouvernement de Prayuth Chan-o-cha, l’ex-général putschiste devenu premier ministre et candidat à sa réélection aux prochaines législatives, attendues d’ici le mois de mai. Celui-ci a fait savoir le 6 février, par l’un de ses ministres, qu’il avait donné pour instruction à la police et aux membres de l’administration d’« accorder la plus grande attention » au sort des deux grévistes.
Les deux principaux partis d’opposition, le puissant Pheu Thai, lié au clan de l’ancien premier ministre Thaksin Shinawatra, et le parti Move Forward, la formation progressiste de la jeunesse urbaine et éduquée, ont soumis, début février, une motion d’urgence à la chambre des représentants pour « débattre de mesures permettant de sauver la vie des deux militantes ». Move Forward a déjà plusieurs fois proposé de réformer la loi de lèse-majesté, dont le parti souhaite limiter les peines encourues en cas de violation à un an de prison et une amende quand il s’agit du roi, et de six mois pour la reine ou le prince héritier.
« Que les deux militantes aient eu le courage de contester la légitimité du système judiciaire, cela a touché beaucoup de Thaïlandais », Pavin Chachavalpongpun, universitaire et militant en exil
L’actuel article 112 du Code pénal encadrant le lèse-majesté punit « quiconque aura diffamé, insulté ou menacé le roi, la reine, l’héritier présomptif ou le régent » d’un emprisonnement de trois à quinze ans. Mais chaque peine est cumulable : ainsi, fin janvier, Mongkhon Thirakot, un Thaïlandais de 29 ans qui possède un site de ventes de vêtements en ligne à Chiang Rai, a été condamné à vingt-huit ans de prison pour quatorze faits de diffamation de la monarchie, principalement sur Facebook.
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